
Kurt Vile a décidé qu'il n'en avait rien à cirer. Il en a pourtant, des fans, qui même s'ils le vénèrent, développent des attentes. Les journalistes musicaux en ont aussi fait un chouchou. Ils ont bien raison, remarquez: ce talent pour accoucher de la mélodie qui s'incruste dans l'oreille; cette plume aiguisée; ce son de guitare unique; ce penchant pour le folk-rock americana qui fait de lui un digne successeur de Neil Young, Bruce Springsteen et Tom Petty; cette dégaine nonchalante qui le rend si sympathique. Il a tout même s'il s'en fout, ce mec. Tellement qu'il a quand même choisi de tous les envoyer paître.
Après un "B'lieve I'm going Down" truffé de compositions solides mais au son plus poli qu'à l'habitude, il revient à une approche plus low-fi et à une absence de compromis. Cette attitude est loin de me déplaire, mais elle ne fait pas que des heureux. Certains déplorent la longueur du long-jeu et, surtout, la longueur de ses morceaux dont certains s'étirent jusqu'à la barre des dix minutes. Je ne sais pas si c'est dû au fait qu'il ait participé à l'enregistrement du dernier Tinariwen, mais Vile privilégie maintenant les chansons qui hypnotisent à force de répéter les mêmes motifs rythmiques. La mélodie passe au second plan. Pour moi, il s'agit d'un choix qui se défend.
Comme bien des albums double, "Bottle It in" aurait probablement gagné à être un peu plus ramassé. Certaines chansons, surtout en début de programme, me semblent plus anodines comme la reprise de "Rollin with the Flow" de Jerry Hayes, par exemple. Mais à partir de l'électrisée "Check Baby", l'album atteint, à mon sens, sa vitesse de croisière. "Bottle It in" (la chanson) et "Skinny Mini" prennent tout le temps qu'il faut pour se développer, "Mutinies" donne des frissons, le banjo de "Come Again" nous fait faire une petite ballade dans les Appalaches...
Au final, "Bottle It in" (le disque) n'est peut-être pas le meilleur opus du guitariste aux longs cheveux (j'accorderais davantage ce titre à "Walkin on a Pretty Daze" ou "Smoke Ring for my Halo"), mais, plus que toutes ses autres galettes, c'est ce qu'on appelle un "grower": un disque exigeant qui récompensera (surtout en deuxième partie de parcours en ce qui me concerne) le mélomane patient et ouvert d'esprit. Comme Kurt Vile...